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  • Photo du rédacteurAnnick Le Berre

5 Leçons apprises en Malaisie

Dernière mise à jour : 10 mai 2018



Vivre en Malaisie a été une période longue et compliquée. Il y a eu des hauts et des bas, des tonnes d’aventures, d'histoires extraordinaires. J'y ai appris beaucoup et découvert énormément sur moi-même. Ce fut un parcours sinueux et dont j'ai beaucoup appris. Voici 5 leçons, personnelles, que j'ai apprises en Malaisie.


1) L'être et le paraître


Çà m'a demandé du temps de comprendre que la personne que je pense être, la personne que je suis et la personne que les gens perçoivent, sont trois entités différentes.

Grandir en France, j'étais invisible. Trois de mes quatre grand-parents ne sont pas nés français, mais le sont devenus. Leurs enfants étaient français, parfaitement intégrés et donc je suis française. Et basta. Je n'avais jamais questionné mon identité et je connaissais mes origines.


Choc 1 : Mon nom et prénom Breton donne l'impression aux autres français que je suis "vieille France". Je me suis retrouvée face à un employeur français (Breton de son nom de famille) des plus racistes, envers ma collègue (française !) mais, pas "aussi française que nous". C'est peut-être naïf à dire, mais je pense que je n'avais jamais entendu des discours aussi haineux proférés face à moi, c'était surréalistes. Parce que je devais comprendre. Et bien, non.


Choc 2 : J'ai subi une première tentative de vol à l'arrachée. Heureusement, je suis parvenue à garder mon téléphone. Mais il m'a fallu un peu de temps pour comprendre déjà, qu'on ne m'avait pas giflé, mais qu'on avait tenté de voler mon téléphone portable au milieu d'un appel. Ensuite, j'ai relativisé, je me suis rassurée en pensant que ce genre d'expérience désagréable peut arriver à n'importe qui. Dix jours plus tard, on m'a attaqué et volé mon sac. J'ai du me rendre à l'évidence quand mes proches Malaisiens m'ont indiqué que j'étais clairement ciblée. Une Blanche - Orang Putih - Massaleh, c'est une touriste ou une expat'. Elle a plein d'argent, elle se rachètera un portable. Encore une fois, non.


Choc 3 : Ne pas passer inaperçue. Si Kuala Lumpur fourmille d'étrangers, ça n'est pas le cas partout. On m'a dévisagé, on a demandé à la personne qui m'accompagne, face à moi -en malais - qui j'étais, d'où je venais, quelle était ma religion. A maintes reprises. On m'a prise en photo, j'ai fait pleuré des bébés apeurés face au "fantôme blanc", on m'a touché le bras, suivis dans la rue ou les centres commerciaux. Sans être constamment la folie, c'était bizarre. Une jour, lors de vacances en France, je suis restée seule à la terrasse d'un café. Personne ne m'a accordé un regard, c'était magique.


Choc 4 : Avoir une raison d'être. J'ai appris à dire "Mon mari est français malais alors j'habite avec lui en Malaisie" en malais pour pouvoir me simplifier la vie et m'épargner l'inévitable liste de questions "vous venez d'où ? / vous êtes étudiante ? vous travaillez ?" et j'en passe. Après plusieurs mois et années, je devais inlassablement justifier ma présence. C'était incapacitant.



2) Apprendre une langue


Je parlais bien l'anglais en arrivant en Malaisie, et je voulais vraiment, vraiment apprendre le malais. Une fois les premières leçons dépassées, j'ai doucement perdu la motivation. D'abord parce que quand mon livre indiquait que "je veux" se dit "Saya hendak" et que lorsque je parlais on me répondait "non, on dit 'nak'". Je me perdais dans les nuances. J'apprenais une chose, on m'en répliquait une autre.


Parler une langue, pour moi c'est deux éléments clés : la communication et la culture. Alors, la communication se passait moyennement avec mon livre, mais niveau culture, c'était encore pire. J'aimais les gens, les écouter, les comprendre. J'appréciais leurs histoires, et découvrir nos différences et nos similitudes. Mais ni les films, ni les livres, et encore moins la musique, rien de tout cela ne m'intéressait.


Une fois dépassé le stade des rudiments de conversations indispensables, comme pour prendre un taxi, commander un plat, discuter de banalités, j'ai complètement abandonné. Il m'a fallu faire face à l'évidence, je ne voulais pas parler malais. J'aimais l'idée de pouvoir parler une langue asiatique inutile aux affaires ou même au tourisme. Je voulais juste avoir un talent caché.


Horn bill à Pulau Pangkor - Courtoisie de David Strubel

3) Connaître les règles du jeu


On ne survit pas dans un pays si l'on refuse de se plier à certaines règles. Les connaître est donc primordial pour s'en jouer. J'ai vite reconnu que plus je me couvrais, plus j'étais respectée, par exemple. J'ai appris les règles de société musulmanes, je me suis tenue au rôle de bonne épouse et belle-fille, je me suis pliée aux efforts attendus de moi. En public du moins. J'ai toujours porté mon écharpe quand il le fallait, un leggins et t-shirt pour me baigner. Je m'asseyais avec les femmes, je servais le thé ou café aux visiteurs. Et à mes heures libres, j'avais de l'ambition, un verre de vin, bronzais en bikini ou faisais toute autre chose qui me plaisait.



4) Être hors-la-loi


On ne peut jamais connaître toutes les lois d'un pays, j'en conviens. Mais certaines d'entre elles sont assez évidentes, ou connues. Par exemple, les non-musulmans n'ont pas le droit de prononcer des mots musulmans. Personne ne fera jamais rien, et d'ailleurs on considère poli de répondre "Walaikumsalam", mais c'est une loi. Je ne compte pas non plus les fois où j'ai fumé une cigarette face à un signe "interdit de fumer". Ni les fois où j'ai caché des pop-corns dans mon sac pour aller au cinéma. Les fois où on s'est garé en double file, où on est passé au rouge. La Malaisie voit la loi comme un guide général. Pas de police pour les renforcer = pas vraiment une infraction. Mais je crois que de toutes les infractions aux lois mes préférés sont celles-là : une homme et une femme ne peuvent pas vivre ensemble avant d'être mariés. Mais deux hommes oui. Ou bien deux femmes. Même si l'homosexualité est elle aussi illégale. Comme pour les règles de conduites, les lois sont... pleines de failles.



5) Je ne sais pas ce que je veux, mais je sais ce que je ne veux pas


Je ne vais pas prétendre avoir miraculeusement trouvé ce que je cherchais dans la vie. Mais j'ai pu décider d'un certain nombre de chose dont je ne veux pas.

Je ne veux pas vivre dans un pays dans lequel aimer peut-être un crime. Je ne veux pas travailler à "mi-temps" 49 heures par semaine.

Je ne veux pas qu'on me demande ma religion, et encore moins mon opinion sur le conflit Israëlo-palestinien. Je ne veux pas qu'on parle à l'homme qui m'accompagne comme si je faisais partie du mobilier. Je ne veux pas me taire quand j'ai raison parce que, oui j'avais raison mais c'est impoli de le signaler alors maintenant j'ai tort. Je ne veux pas être avec un homme qui doit cacher sa nature parce que ça n'est pas "viril" de faire ou penser une certaine chose.

Je ne veux pas non plus sacrifier mes rêves, mes projets, mon ambition. Je ne veux pas d'un enfant parce que c'est l'étape suivante. La liste est sans doute encore longue, et je ne blâme personne pour ces interdictions, lois ou attentes. A part moi peut-être, pour m'y être pliées quand il ne le fallait pas.





De manière générale, vivre en Malaisie a été une période pleine d'obstacles. Il y fait trop chaud, trop humide. Il y a trop de moustiques ou de coutumes différentes. Mais il y a aussi des choses tellement merveilleuses. Des repas délicieux, des gens chaleureux, doux, paisibles, curieux, généreux et accueillants. Il y a aussi des paysages fantastiques, des îles paradisiaques. Des tas d'aventures à vivre, d'opportunités, de défis ! Je chéris mes quatre années passées en Malaisie. Elles m'ont doucement transformées. Elles m'ont apportés une richesse que je n'aurais pas soupçonnées, et j'ai dû puiser en moi des ressources que je ne connaissais pas.


Bien que je ne me sois jamais réellement intégrée, j'ai eu la chance de vivre dans une communauté faite de gens locaux. J'ai vécu à leur rythme et même si mes différences étaient évidentes à l'époque, j'ai changé et aujourd'hui encore, il m'est difficile de ne pas ponctuer mes phrases d'anecdotes liées à ma vie passée là-bas.





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